« Migrants catéchumènes : accueillir et accompagner dans la diversité des cultures »

Intervention de Mgr Renauld de Dinechin, le 24 mai 2018.

Conversion et rupture familiale

Que faire quand la conversion peut causer une rupture avec la famille ? En d’autres termes : est-ce que cela met le catéchumène en danger ?
La question porte sur les liens familiaux. On pense au cas des musulmans car c’est souvent dans ce contexte que la question se pose avec le plus de difficulté. Mais il peut y avoir d’autres cas où le catéchumène, après discernement, fait le choix de rompre un lien familial ou conjugal.

Voici un témoignage : une jeune femme, Antillaise, non mariée mais en couple stable, vient frapper à la porte de l’Église pour demander le baptême. Au cours du chemin catéchuménal, elle témoigne que sa relation avec le Christ la fait évoluer : elle découvre que son couple n’a pas d’avenir. Elle annonce qu’elle va se séparer de son compagnon et vivre son catéchuménat jusqu’au baptême car sa vie est désormais réorientée. Certaines ruptures familiales sont, en fait, un chemin de libération et de salut dans le Christ ; on peut même dire que certaines ruptures familiales sont un don de Dieu.

Pour le cas des musulmans, faisons un tour par les terres du Maghreb. Dans les diocèses du Maghreb, on observe une prudence extrême. Dans une société musulmane où le collectif tient une place structurante, quitter le lien d’abord familial, puis le lien de la communauté est quelque chose de fort impliquant et de grave. En islam, le changement de religion n’est pas admis. Aussi la personne qui se convertit au Christ encourt le risque de se voir exclure, d’une part, de la communauté et, d’autre part, de sa propre famille.
Par rapport à cette question des liens familiaux, je formule la proposition de quelques critères lorsque la conversion au Christ entraîne une rupture familiale.

Contempler la force du baptême

Il ne faut ne pas minimiser la grâce du baptême et renouveler l’acte de foi dans le baptême en Christ : « Le Seigneur lui-même affirme que le baptême est nécessaire pour le salut (cf. Jn 3, 5). Aussi a-t-il com mandé à ses disciples d’annoncer l’Évangile et de baptiser toutes les nations (cf. Mt 28, 20) (cf. DS 1618 ; LG 14 ; AG 5). Le baptême est nécessaire au salut pour ceux auxquels l’Évangile a été annoncé et qui ont eu la possibilité de demander ce sacrement (cf. Mc 16, 16) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1257).

L’attachement au Christ

Si quelqu’un ne peut pas, momentanément ou de manière durable, accéder au baptême, il faut accompagner la personne à construire sa relation personnelle au Christ, et plus même, sa dépendance au Christ (radicale dépendance envers celui qui me libère).

Purification des relations familiales

La conversion au Christ, qui que nous soyons, entraîne une « défusion » de nos relations fusionnelles. « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple » (Lc 14, 26). Voilà une forte parole qui opère une purification des relations ! Accompagner le catéchumène dans la purification de ses relations intimes n’est pas confortable pour l’accompagnateur puisque cela le renvoie lui-même à ses propres liens.

Discernement des liens intrafamiliaux

Si rupture il doit y avoir à cause du Christ, la rupture avec la famille ne fait pas partie des modalités ordinaires. Si le catéchumène envisage une rupture de relation avec son conjoint ou sa famille, le discernement portera sur plusieurs points :

– Est-ce que cette rupture va à l’encontre d’engagements antérieurs ? Avant de détruire le couple, on doit regarder les enfants : sont-ils victimes dans cette séparation ? Il s’agit d’accompagner le catéchumène pour regarder sa responsabilité dans son rapport aux autres.

– Est-ce que cette rupture risque de mettre le futur baptisé dans la précarité sociale et dans la misère ? C’est l’orientation prise par les Églises du Maghreb : empêcher que la personne soit désocialisée et précarisée. Nous ne pouvons pas favoriser la précarisation d’un catéchumène ; nous avons à aider le catéchumène à regarder en face ce risque et à bien en examiner les enjeux. La fuite en avant ne construit pas. Au contraire, la prise de recul et le sens des responsabilités sont nécessaires. Et en même temps, il faut bien voir que sur toute la planète, chaque année, on recense des chrétiens morts pour leur foi. Il y a quelque chose d’extrêmement grave qui se joue dans ce chemin de discernement.

Baptême de désir, communion de désir

« Pour les catéchumènes qui meurent avant leur baptême, leur désir explicite de le recevoir, uni à la repentance de leurs péchés et à la charité, leur assure le salut qu’ils n’ont pas pu recevoir par le sacre ment » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1259).

Quel accueil dans les paroisses ?

Quel accueil des migrants qui s’intéressent à la foi des chrétiens dans nos paroisses ? Quelle prise en compte de leur parcours d’exil ? Comment sensibiliser les accompagnateurs de migrants catéchumènes et les prêtres à tenir compte de leur histoire souvent difficile ?

Je répondrai à cette question en racontant un témoignage.

Une catéchumène camerounaise vit avec beaucoup de courage sa conversion, avec une force remarquable de sa relation au Christ et une grande inspiration à lire l’Évangile. À l’approche du baptême, elle est traversée tout à coup par des peurs importantes : des peurs intimes, ancestrales, liées aux esprits. Dans l’équipe du catéchuménat, nous étions démunis : comme Occidentaux, nous étions confrontés à un registre qui nous semblait irrationnel. Et pourtant, c’était un authentique combat spirituel, un énorme acte de foi pour cette personne : croire que le Christ a vaincu l’enfer et qu’Il est vivant. Pour cette catéchumène, le Christ est plus fort que ses peurs !
Nous avons accompagné cette catéchumène, et en raison de sa foi, elle a traversé et dépassé ces peurs. Par la suite, nous lui avons proposé d’intégrer l’équipe du catéchuménat pour accompagner les autres catéchumènes venus d’Afrique ; elle a une capacité bien plus forte à entendre et comprendre les combats de ses frères et sœurs. Avec le recul, je me dis que nous avions eu de l’empathie dans l’accompagnement de cette catéchumène, il y avait dialogue, mais j’estime que nous avons manqué de foi avec une approche trop psychologisante.

Quelques points d’attention pour l’accompagnement pastoral

Attention à une approche trop psychologisante qui ne sait pas reconnaître le combat spirituel et le chemin de foi de l’autre, dans des expressions liées à sa propre culture.

Jésus lui-même rappelle que certaines souffrances ne peuvent disparaître qu’avec le jeûne et la prière : « Et puis ce genre de démon ne peut s’en aller, sinon par la prière et le jeûne » (Mt 17, 21, trad. TOB). Quelle place pour le jeûne et la pénitence personnelle pour porter un catéchumène au cœur de son combat spirituel ?

Valoriser les étapes d’exorcismes mineurs, avec les prières d’exorcisme, proposées en ce sens dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes (RICA). Elles ont une force et mettent des mots sur la situation vécue.

Valoriser l’onction avec l’huile des catéchumènes, avec sa prière propre, lors du cheminement catéchuménal.